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Interview de Marc Israël

23 Juin 2014

Interview de Marc Israël

Marc Israël: Peut-on philosopher avec la Torah?

- Marc Israël, vous êtes normalien et professeur agrégé de philosophie. Vous enseignez en khâgne au lycée du Parc à Lyon. Vous étudiez aussi le Talmud au Centre d’Etude et de Réflexion Juive à Villeurbanne. Vous êtes l’auteur du livre “Philosopher avec la Torah” Editions Eyrolles. Pensez-vous que la philosophie aide à une meilleure compréhension de la Torah?

Marc Israël : La compréhension de quelque texte que ce soit culmine dans la traduction conceptuelle que l’on donne de ce texte. Selon moi la philosophie n’est rien d’autre que cet effort de compréhension. Penser qu’elle “aide à une meilleure compréhension de la Torah”, ce n’est pas la comparer à une autre voie de compréhension (à laquelle on pourrait la trouver inférieure ou supérieure), c’est y voir l’étape ultime (et donc la meilleure) de cette compréhension.

- Quelles questions essentielles posez-vous dans votre livre? tentez-vous de répondre à la quête de sens à laquelle est confronté tout être humain?

M.-I. : Dans ce livre, je pose deux questions essentielles. Premièrement, l’existence (du monde, de vous, de moi) est-elle un événement dont je puisse faire l’objet d’un émerveillement religieux? Deuxièmement, est-elle par sa généralité un absolu libérateur qui me permette de ne rien idolâtrer, rien ni personne? En réalité, de ces deux questions, seule la première est une vraie question. Au sens où je pourrais concevoir, philosophiquement, une réponse résolument négative: “Non, l’existence n’est pas un événement, elle est un fait brut sur lequel il n’y a rien à dire, aucun sens à chercher”. A cette thèse j’oppose une espèce de “décision juive”, comme quoi un rapport de gratitude joyeuse et émerveillée à l’existence (qui fait de celle-ci un événement) est possible et préférable. La deuxième, il serait plus honnête de lui donner une formulation interro négative (L’existence n’est-elle pas un absolu libérateur?) qui, donc, affirme que oui, elle en est un, quelque conception qu’on s’en fasse. D’ailleurs c’est ce dernier point qui donne toute sa force à une réponse positive à la première question: si l’existence me libère de toute soumission particulière par son caractère absolu et relativisant, alors il y a de quoi l’aimer et la servir de tout son cœur! J’espère par cette “décision juive” (exportable par sa portée universelle) et cette affirmation répondre à la quête de sens de tout un chacun, mais sur un mode interrogatif et non pas dogmatique (comme si l'idée d'un sens allait de soi...)

- La pensée philosophique n’est-elle pas un peu réductrice par rapport à la démarche des commentaires sur le sens profond (Sod) de la Torah?

M.-I. : Si maintenant on prend la philosophie comme telle ou telle philosophie de tel ou tel philosophe, alors bien sûr il peut arriver que cette philosophie paraisse réductrice. L’exemple qui vient tout de suite à l’esprit, c’est la manière dont Maïmonide rend compte du Tabernacle comme simple concession au besoin qu’ont les hommes d’un espace et d’objets sacrés. Lecture incontournable mais insuffisante, qui n’aura pas la capacité de rendre aussi bien compte du détail que celle d’un Na’hmanide, qui voit dans le Tabernacle un microcosme et dans ses détails tout un système de correspondances. Mais d’après ce que j’ai dit plus haut, il n’est pas interdit de qualifier de philosophique l’expression claire et rationnelle de cet autre point de vue…

Marc Israël « Philosopher avec la Torah » - Editions Eyrolles - mars 2014 - 76 pages – 13,90 euros – www.editions-eyrolles.com

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