Interview du Dr. Ariel Toledano
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Dr. Ariel Toledano: Le Talmud a sûrement influencé les travaux de nombreux chercheurs
- Dr. Ariel Toledano, vous êtes médecin, spécialisé en phlébologie et en médecine vasculaire. Votre dernier livre s’intitule “La médecine du Talmud, Au commencement des sciences modernes” aux Editions In Press. Qu’est-ce qui caractérise la médecine du Talmud?
Dr Ariel Toledano : En faisant des recherches historiques sur la circulation sanguine, j’ai découvert un texte du Talmud, du traité Houlin 45b, qui évoquait une discussion entre deux rabbins, Rav et Shmuel, à propos de la définition d’un « vaisseau » sur le plan anatomique. Cette discussion entre ces deux maîtres du Talmud montrait à quel point les connaissances anatomiques des rabbins du Talmud étaient étendues. J’ai donc voulu à travers ce livre faire état de cette médecine qui fait preuve immanquablement de beaucoup d’intuition dans divers domaines. Citons, la notion de contagiosité de certaines maladies évoquée plus de 15 siècles avant Pasteur et l’analyse fonctionnelle des organes à travers des études expérimentales permettant de classer les maladies en fonction de l’atteinte organique. Ces deux grandes notions sont fondatrices de la médecine moderne.
- Comment expliquer que certains rabbins ont procédé à des dissections? Cela ne pose-t-il pas un problème d’ordre halachique?
A.-T.: : En préambule, je dirais que tout ce qui fonde la médecine du Talmud est avant tout la recherche d’une application rigoureuse des prescriptions des lois de Moïse. Ainsi, l’ensemble des expérimentations médicales des rabbins du Talmud n’ont qu’un seul objectif, celui d’être conforme aux lois édictées par la Torah. Vous évoquez les dissections réalisées sur des cadavres humains. Le but des rabbins du Talmud était de définir ce que l’on entend par « cadavre » pour comprendre les lois liées à l’impureté engendrée par leur contact. En effet, tout contact avec un cadavre entraîne une impureté rituelle selon la Torah durant 7 jours. Mais que faire si l’on se trouve en contact avec la moitié d’un cadavre ou simplement avec un membre mutilé. Cette question est cruellement d’actualité en cas d’attentat ou les corps sont malheureusement démembrés. Afin de répondre à cette question, les rabbins du Talmud ont donc réalisé des dissections et défini qu’il y a 248 os qui constituent le squelette humain. Sur un plan halachique, ils ont utilisés un artifice visant à contourner la loi en appliquant le principe qu’un cadavre plongé dans l’eau perdait son caractère impur abordé dans le traité Nidda 54b. Mais, chose étonnante, cette technique était également utilisée par le grand anatomiste du XVIème siècle, Vésale afin de dégager les chairs facilitant la dissection.
- Qu’est-ce qui différencie la médecine talmudique de la médecine grecque ou romaine par exemple?
A.-T. : La médecine gréco-romaine et notamment avec Hippocrate est à l’origine de la première école de pensée qui vise à donner une base rationnelle à la médecine avec des implications pratiques bien codifiées et abordées dans divers traités de médecine. Les rabbins du Talmud sont imprégnés des idées médicales de leurs époques mais les ont enrichies de propositions nouvelles, comme l’asepsie, la notion de contagion, des procédés d’analyses sanguines avec des réactifs, des techniques chirurgicales innovantes comme la césarienne, ou la mise en place de prothèses. On peut également noter de nombreuses propositions intuitives sur la génétique notamment à propos de la reproduction ou encore de certaines maladies comme l’hémophilie.
- La médecine talmudique a-t-elle pu influencer la médecine moderne?
A.-T.: La médecine moderne est née de la révolution scientifique du XIX ème siècle grâce à l’essor de la biologie, de la physique et de la chimie. Mais ces progrès n’ont pu être possibles que grâce aux bases édifiées par les générations précédentes. Le Talmud a sûrement influencé les travaux de nombreux chercheurs car c’est une pensée en mouvement. La médecine est considérée de nos jours comme une science mais c’est surtout un art qui vise à la fois à soigner mais aussi à prévenir les maladies pour améliorer l’état de santé. En hébreu la santé se dit beriout qui vient de la racine de bara qui signifie « créer ». Etre en bonne santé c’est être capable de créer, d’être dans le mouvement. Mais soigner c’est aussi être capable d’innover en respectant l’héritage éthique des médecins qui nous ont précédés.