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Interview de Francis Huster

4 Juillet 2013

Interview de Francis Huster

Francis Huster: "Albert Camus a été d'une droiture parfaite vis-à-vis d'Israël"

Côte d'Azur: A l'occasion de son passage à Monaco où il a donné son spectacle « Bronx », Francis Huster a fait escale à la FNAC de Nice pour dédicacer son roman: « Albert Camus Un combat pour la gloire » (Le Passeur Editeur). Il a répondu avec chaleur et sincérité aux questions d'Actualité Juive.

A-J: Comment est né ce livre? Vous avez, je crois, rencontré Catherine Camus, le fille de cet auteur dont on célèbre le centenaire de la naissance.

Francis Huster: Oui. Jean-Louis Barrault avait monté « Etat de siège » au Théâtre Marigny. Cela s'était mal passé. Albert Camus avait décidé de le faire seul. Mais il est mort prématurément. Jean-Louis Barrault m'a demandé, quand j'avais dix-huit ans,de monter « La Peste » et d'écrire deux ou trois pages sur Albert Camus à chaque représentation. Il me considérait comme son fils spirituel « Huster mon frère, Francis mon fils. » Au bout de deux-cent-soixante-trois représentations, je me suis retrouvé avec plus de cinq cents pages sur Albert Camus. Quand un jeune éditeur « Le Passeur » est venu me demander, l'an dernier, un livre sur Albert Camus pour le centenaire, j'ai relu ces pages et je me suis rendu compte qu'il valait mieux faire parler Camus lui-même plutôt que de donner mon opinion sur lui. J'ai donc tout recommencé à zéro et cela a donné ce roman à la première personne. Je sais que cela paraît très orgueilleux. Mais j'ai préféré que le lecteur, et surtout les jeunes, écoute, comme si lui-même leur parlait.

A-J: La vie d'Albert Camus a-t-elle été un combat?

F.H: Toute sa vie a été un combat. Il était orphelin puisque son père avait été enrôlé dans les zouaves et qu'il est mort dès le début de la guerre de 14-18. Il a lui-même été obligé de combattre car sa mère était illettrée et ne pouvait imaginer que son fils deviendrait Prix Nobel de Littérature. Il a combattu aussi pour s'imposer comme artiste, au théâtre. Il rêvait aussi de combattre pour ses idées. Il l'a fait pendant la guerre dans la résistance. Il a aussi combattu physiquement. Il était tuberculeux et ne pouvait pas, par exemple, aller chercher son Prix Nobel à Stockholm en avion. J'ai mis « un combat pour la gloire » parce que c'est un combat pour la gloire théâtrale.

A-J: Comment expliquer la dimension universelle de l'oeuvre d'Albert Camus?

F.H: Albert Camus a été instituteur dans une petite école avec des enfants juifs. Il a été frappé par le lien qui l'unissait à ces enfants. Il avait l'impression d'être lui-même -et c'est ce titre que j'aurais pu donner à ce roman- « Le guide ». C'est cela la chose la plus importante. Comme Moïse qui prend son bâton et qui transforme l'eau du Nil en sang devant le pharaon d'Egypte. C'est exactement ce que fait Albert Camus avec l'encre. C'est pour ça qu'il méritait le Prix Nobel. Il touche toujours autant toutes les races, toutes les religions et toute la jeunesse. Il a osé écrire ce que personne n'osait écrire: D.ieu nous a abandonnés et il a fallu trouver un autre d.ieu. Et cet autre D.ieu c'est l'homme et la dignité humaine. C'est l'homme qui lutte contre lui-même. A hauteur d'homme.

A-J: Est-ce qu' Albert Camus se sentait proche du judaïsme et de l'Etat d'Israël?

F.H: Albert Camus a toujours été très net. Il a été d'une droiture parfaite vis-à-vis d'Israël du début à la fin. Il a toujours considéré que ce peuple, le premier de tous les peuples selon lui, avait le droit d' être chez lui. Jean-Louis Barrault et Pierre Dux m' avaient parlé de ce « chez lui » dont parlait souvent Camus. Lui-même se sentait déraciné. Il avait eu avec Dux, une conversation à propos de De Gaulle. Camus se demandait s'il avait un « chez lui ». Il ne savait pas s'il était algérien d'origine française, français d'origine pied-noir... Il était coupé en deux. Il faisait un parallèle avec Moïse: était-il le fils du Pharaon? Était-il le fils d'un hébreu récupéré par la fille du Pharaon? C'est cela qui l'intéressait. D'ailleurs le personnage théâtral de Moïse l'interpellait énormément.

A-J: Comment vivez-vous votre judaïsme?

F.H: D'une façon toute droite. Je ne me suis jamais retourné. J'ai toujours voulu aller de l'avant. J'ai écrit une pièce sur Gustave Mahler qui a renié sa religion pour pouvoir accéder au poste de directeur de l'Opéra de Vienne, puisque ce poste était interdit aux juifs. Cosima Wagner, la veuve de Richard Wagner, tenait absolument à ce que Malher, qui était le plus grand chef d'orchestre wagnérien de son époque, dirigeât cet Opéra. Des deux côtés, c'était la même honnêteté artistique. Mais ce que Malher a fait, moi je ne l'aurais pas fait.

Propos recueillis par Jean-Jacques Biton

Francis Huster "Albert Camus Un combat pour la gloire" Le Passeur Editeur 128 pages 15,90 euros

site: www.lepasseur-editeur.com

Cet interview est publié avec l'aimable autorisation d'Actualité Juive.
Entretien paru dans Actualité Juive n° 1254 du mercredi 8 mai 2013
site: www.actuj.com

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