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Interview de Catherine Collomp

20 Mai 2016

Interview de Catherine Collomp

Catherine Collomp : « Le Jewish Labor Committe existe toujours aux Etats-Unis »

- Catherine Collomp, vous êtes professeur émérite à l’université Paris Diderot, spécialiste de l’histoire de l’immigration et du mouvement ouvrier aux Etats-Unis. Votre dernier livre s’intitule “Résister au nazisme-Le Jewish Labor Committee, New-York, 1934-1935”. Comment s’est créé le “Jewish Labor Committee”?

Catherine Collomp : Le Jewish Labor Committee (JLC) a été fondé à New York en 1934 dans le milieu du "mouvement ouvrier juif "aux Etats Unis, c'est à dire parmi les travailleurs d'origine d'Europe centrale, employés principalement, dans le secteur de la confection, soit environ un demi-million de personnes dans les années 1930. Leurs dirigeants avant leur émigration avaient été des activistes Bundistes dans l'Empire russe , ou dans la Pologne de l'entre-deux guerres. Expérimentés dans la lutte contre l'antisémitisme et la répression politique, ils surent reconnaître la double menace que fit peser l'avènement du nazisme sur les Juifs et sur tout mouvement ouvrier organisé. Parmi ses dirigeants les plus en vue, il faut citer Baruch Charney Vladeck, fondateur du JLC, David Dubinsky et Sidney Hillman, présidents des deux plus grands syndicats de la confection.
- Quel était l’objectif de ce mouvement?
C.-C. : Le JLC fut fondé pour fournir soutien et secours aux victimes du nazisme, combattre l'antisémitisme et l'intolérance raciale ou religieuse, en Europe comme aux Etats-Unis. Pensant que la lutte contre le nazisme devait impliquer le mouvement ouvrier, il souhaitait créer une présence ouvrière parmi les organisations juives américaines, ainsi qu'une présence juive dans le mouvement ouvrier américain. Malgré la réglementation rigide de l'immigration aux Etats-Unis, en 1940-1941, il parvint à sauver plusieurs centaines de syndicalistes, socialistes ou intellectuels, allemands, autrichiens, polonais, italiens, russes, tchèques, qui étaient réfugiés en France, et furent pris au piège de l'occupation allemande. Le réseau que le JLC mit en place était, en partie, lié à celui de Varian Fry à Marseille. Simultanément, il organisa aussi l'évacuation de Bundistes polonais réfugiés en Lituanie passée sous occupation soviétique. En tout il s'agit de quelque 1500 personnes, juives pour la plupart, qui purent ainsi trouver refuge aux Etats-Unis.
- Comment cette organisation est-elle arrivée à soutenir des mouvements de Résistance en France et en Pologne?
C.-C. : Aux Etats-Unis la présence de ces réfugiés exfiltrés de pays occupés, mais toujours en contact avec la base de militants engagés dans l'activité clandestine, permit de faire connaître au JLC les besoins de certains réseaux de résistance en France et en Pologne notamment, mais aussi dans d'autres pays occupés par les nazis. Pour la Pologne, le JLC transmit des fonds destinés aux combattants du ghetto de Varsovie, puis aux quelques survivants. Cet argent fut transmis avec l'aide du gouvernement polonais en exil à Londres. Pour la France, le JLC établit des contacts avec le réseau socialiste clandestin dans la zone non occupée et utilisa ses liens avec le BCRA à Londres pour la France Libre.
- Le “Jewish Labor Committee” a-t-il continué à agir après la guerre?
C.-C. : Après guerre, le JLC a contribué à soutenir les réfugiés juifs dans les camps de personnes déplacées. Il a aidé à l'émigration de certains vers les Etats-Unis ou vers la Palestine. Il a soutenu la reconstruction de la vie des survivants juifs en Pologne, en fournissant des subsides pour la reprise du travail notamment et la reconstitution de bibliothèques. Aide interrompue lorsque la Pologne tomba sous le joug communiste en 1948. En France, Le JLC fonda et finança trois homes d'enfants pour l'accueil et l'éducation d'orphelins de la Shoah, français ou réfugiés. Il participa à plusieurs autres centres d'accueil tenus par l'OSE.
Le JLC existe toujours aux Etats-Unis, cette organisation, dédiée à la défense contre l'intolérance raciale et religieuse fut active dans la lutte pour les droits civiques des Noirs américains. De nos jours, elle veille à promouvoir l'entente entre le monde syndical et les organisations juives américaines.

Catherine Collomp - « Résister au nazisme Le Jewish Labor Commitee, New York, 1934-1945 » - CNRS Editions - Février 2016 - 312 pages - 25 euros -

site: www.cnrseditions.fr

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